A propos de « deux conceptions de la fonction publique »

Olivier Beaud à eu de la prescience dans le dernier éditorial de l’Actualité juridique Droit Administratif (AJDA 16/2010 3 mai 2010) intitulé « obligation de réserve ou devoir de parler ». Il avait en effet prédit que la sanction retenue par le ministre à l’encontre du gendarme Martelli, la plus grave de toute puisqu’il s’agissait de la radiation, était « manifestement disproportionnée au regard des faits qui lui étaient reprochés. le militaire, en effet, par ailleurs associé au CNRS, avait critiqué le rapprochement entre la gendarmerie et la police aboutissant à terme à la disparition de la première. En clair, il lui était reproché un manquement à l’obligation de réserve.

L’obligation de réserve soumet les agents publics à une une retenue dans l’expression de leurs idées qui varie en fonction des missions accomplies et de leur position hiérarchique : elle pèse beaucoup plus sur les fonctionnaires de catégorie A, ou encore sur les agents proches de l’exercice du pouvoir. Ainsi, les préfets, mais aussi les militaires n’ont pas la possibilité d’exprimer publiquement des divergences avec la politique suivie par le ministre. En tout état de cause, bien que cela soit à mon sens injustifié, les militaires n’ont toujours pas le droit de s’affilier à une association ayant un objet syndical. Solution toujours validée par le Conseil d’Etat dans un arrêt
du 11 décembre 2008 Association de défense des droits des militaires

le paradoxe dans cette affaire Martelli, c’est que ce dernier critique le rapprochement de la gendarmerie avec la police, alors que cette dernière offre tout de même plus de possibilité de s’exprimer. une expression critique est moins susceptible de constituer un manquement à l’obligation de réserve dans la police que dans la gendarmerie.

Toujours est-il qu’Olivier Beau a raison de prôner une forme de recul de l’obligation de réserve qui est née en fait des exigences du juge administratif et non pas d’un texte :

Ce n’est pas par le bâillonnement des fonctionnaires que l’on améliorera le fonctionnement de l’État. Faut-il rappeler que  « ce n’est pas contribuer au bon fonctionnement du service que de taire ses déficiences de de dissimuler les redressements souhaitables » (J Rivero) ? Qu’il peut arriver des moments où, mêmes pour les militaires, il existe « un devoir de parler » ? Olivier Beaud, professeur de droit public à Paris II

2 Réponses to “A propos de « deux conceptions de la fonction publique »”

  1. GJG Says:

    Merci d’attirer l’attention sur la question de l’obligation de réserve.
    Sans vouloir minimiser les capacités de mon collègue, plus connu pour ses prises de position très utiles dans la lutte contre la réforme démantelant l’Université, ou pour ses talents de théoricien du constitutionnalisme, je ne pense pas que, dans l’arrêt rétablissant le traitement et l’usage du logement de fonction du gendarme Matelly, le problème soit véritablement celui d’une conception de la fonction publique.
    La sanction qui avait été décidée était la plus grave de l’échelle des sanctions. Or, sauf pour les fonctionnaires très haut placés dans la hiérarchie et s’exprimant dans un cadre très « grand public », le manquement à l’obligation de réserve n’a jamais justifié, de but en blanc, une révocation.
    Il était donc normal qu’elle soit considérée comme disproportionnée.
    Ce qui est plus intéressant, c’est qu’il s’agit d’une procédure conservatoire et que le CE demeure saisi au fond. Or, au fond, il n’est pas sûr que le manquement à l’obligation de réserve sera minimisé par le juge administratif et ce, pour une raison simple : le gendarme en question, en moins de dix ans, a fait l’objet de deux blâmes pour deux comportements similaires. Au titre de la « récidive », une sanction assez forte serait sans doute considérée comme justifiée.

    • smanyach Says:

      oui, d’accord avec vous. Mais là nous sommes passés de deux blâmes, à la révocation. Même s’il s’agit d’un gendarme, donc d’un militaire, cela paraît, en soi, disproportionné. A mon sens, il y a quand même peu de risque que la formation de jugement sur le fond rende une décision distincte

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