Pierre Rosanvallon: pour une société des égaux – Essais – Bibliobs

Il est en effet décisif. C’est l’idée de faire advenir une «société des égaux» qui était centrale en 1789. Cela allait plus loin qu’une simple problématique de la réduction des écarts de richesse. La perspective était celle d’instaurer un monde sans dénivelés, dans lequel chacun avait les mêmes droits, était reconnu et respecté comme aussi important que les autres. La notion d’égalité définissait ainsi au premier chef une forme de relation sociale.

Cette égalité-relation était articulée autour de trois figures: la similarité, l’indépendance et la citoyenneté. La similarité est de l’ordre d’une égalité-équivalence: être semblable, c’est participer d’une même humanité contre le fait du privilège. L’indépendance est une égalité-autonomie: elle se définit négativement comme absence de subordination entre les individus et positivement comme un équilibre de l’échange. La citoyenneté est quant à elle une égalité-participation; c’est la communauté d’appartenance et d’activité civique qui la constitue.

Le projet de l’égalité comme relation sociale s’était en conséquence décliné en France et aux Etats-Unis sous les espèces d’un monde de semblables, d’une société d’individus autonomes et d’une communauté de citoyens. L’égalité était de la sorte pensée comme position relative des individus, règle d’interaction entre eux et principe de constitution de leur commun. Il m’a semblé essentiel de revenir à cette dimension fondatrice au moment où l’explosion des inégalités économiques et sociales rend caduques la notion de société des semblables et la visée d’appartenance des citoyens à un monde commun. Nous avons en effet bien besoin de nous retremper aujourd’hui dans cet esprit révolutionnaire pour sortir de l’impasse actuelle

viaPierre Rosanvallon: pour une société des égaux – Essais – Bibliobs.

Étiquettes :

Laisser un commentaire